La Minute Culturelle : LA CRUCIFIXION

La grande tapisserie carrée LA CRUCIFIXION est une pièce indépendante de l’immense tenture (65mX2m) de 11 panneaux, autrefois visible dans le chœur monastique. L’ensemble restauré est maintenant exposé depuis juillet 2019 dans la Chapelle du Collège à La Chaise-Dieu.
Chef d’œuvre du XVIe tissé en fils de laine, soie, lin et fils métalliques dans les ateliers de haute lisse de Tournai, Lille ou Arras, les tapisseries commandées par le Père Abbé sont inspirées de La Bible des Pauvres du XIVe dont elles reprennent la structure et la richesse théologique. 

Feuillet de la Biblia Pauperum

Nous retrouvons ici dans la partie haute du « drap imagé » ou « tableau tissé », la composition en triptyque qui associe à la scène centrale de l’Évangile les scènes latérales de l’Ancien Testament : le sacrifice de Jésus sur la croix est annoncé par deux épisodes bibliques.
La partie inférieure de la tapisserie révèle la créativité des peintres cartonniers avec un étonnant tableau qui réunit 19 personnages autour du calvaire.

SCÈNE GAUCHE : LE SACRIFICE D’ISAAC - Gn 22,1-19


 

Comme sur l’estampe médiévale, à genoux sur le bûcher, mains jointes et yeux bandés, Isaac est offert en sacrifice par l’obéissant Abraham dont le geste est arrêté par l’ange de Yahvé.

Le phylactère qui surmonte l’image commente :

Abraham offre volontairement en victime son fils unique et très cher, Isaac, au Dieu très grand et très bon.
De même, le Père Tout-Puissant livra par pure bonté son fils unique pour être immolé en notre faveur.



SCÈNE DROITE : MOISE ET LE SERPENT D’AIRAIN - Nb 21,4-9 / Jn 3 14

Comme sur l’estampe médiévale, Moise (encorné, cf LA CENE), montre aux Hébreux en marche vers la Terre Promise le serpent de bronze fixé à un embranchement d’arbre. Ceux qui tournent leur regard vers lui sont sauvés alors que les autres sont mordus et mourants.

Le phylactère qui surmonte l’image commente :

Moise éleva le serpent d’airain dans le désert ; ceux qui le regardaient et qui étaient blessés par des serpents étaient guéris.
Ainsi, les Juifs élevèrent le Christ sur le bois de la Croix : et ceux qui le contemplent avec un cœur contrit sont guéris de toute faute.



SCÈNE CENTRALE : LA MORT DE JÉSUS - Mt 27,45-54 / Mc 15,33-39 / Lc 23,44-47 / Jn 19,28-30

Sur l’immense croix de métal très ornée, et surmontée des initiales INRI, « Jésus de Nazareth, Roi des Juifs », le Christ est mort : la tête inclinée, le corps lacéré et crucifié, le coté transpercé d’où sortent du sang et de l’eau. On remarque les instruments du supplice : la lance et l’éponge. Au-dessus le ciel est sombre et tourmenté.

Sur deux croix de bois, les larrons attachés, aux membres brisés, ont les yeux bandés comme Isaac ; mais l’un, dynamique, se tourne vers Jésus tandis que l’autre, affaissé, s’en détourne. Ils sont dans la nuit du péché, péché personnel et péché de la descendance d’Adam.

Au pied du crucifié, Marie se tient debout dans la douleur, l’offrande et l’espérance, soutenue par Jean devenu son fils (Jn 19,27). L’autre Marie est accablée de larmes tandis que Marie-Madeleine enserre la croix, pleine de désarroi.

A l’arrière, on remarque un nombre important de personnages serrés les uns contre les autres : soldats, juifs armés de gourdins, piques et lances, cavaliers imposants et haineux, et un étrange danseur portant une arbalète…la laideur, la cruauté, la vanité, l’orgueil, l’insouciance humaines sont ici réunies.


Les portraits caricaturaux s’opposent aux traits fins et à l’élégance des amis de Jésus.

Sur les côtés, les figures de prophètes dans des niches telles des statues rappellent que le sacrifice du Fils de Dieu sur la croix a été annoncé dans les Écritures :

En vérité, ce sont nos maladies et nos souffrances qu’il a prises sur lui et qu’il a portées lui-même. (Is 53, 4)
Ils ont percé mes mains et mes pieds (Ps 21,17)
Il a été compté au nombre des scélérats (Is 53,12)

 Que retenir de cette tapisserie ?

De cette foisonnante CRUCIFIXION, nous retiendrons le motif principal et évident, la croix portant Jésus crucifié et mort : « Jésus jetant un grand cri, expira » (Mc 15, 37). Support du corps supplicié, cette croix immense dans sa verticalité, incontournable, essentielle est d’or sertie de pierreries, elle est la Croix glorieuse devant laquelle nous proclamerons comme le centurion « Vraiment cet homme était Fils de Dieu » (Mc 15, 39).

Je me tiens à la disposition de ceux qui voudraient en savoir plus sur les panneaux que nous ne publierons pas sur le blog ou sur un autre point : isabellethiriez@yahoo.fr
Isabelle THIRIEZ

Retrouvez les précédents articles ici :
- Introduction
- La Cène
- La Résurrection
- Pâques des Saintes Femmes
- L'apparition à St Thomas
- l'Ascension
- La Pentecôte
- Le Couronnement de Marie
- La Descente aux Enfers
- Le Jugement Dernier
- L'Annonciation
- Le Nativité
- L'Adoration des Rois
- La fuite en Egypte
- Le massacre des Saints Innocents
- Le Baptême de Jésus
- La Tentation du Christ
- La Résurrection de Lazare
- Les Rameaux

Bibliographie :
- Mialon - La Chaise-Dieu, son trésor, son message; Ed La Casadéenne, 1978
- Caillies P.Marie-Bernard, csj - La Chaise-Dieu, Tapisseries et Danse Macabre; Ed La Goelette, 1991
- Amis de l'Abbatiale Saint-Robert de La Chaise-Dieu - La dignité de la femmes dans les tapisseries de La Chaise-Dieu; Ed de Mons, 2019
- Bible de Jérusalem
- Magnificat
- Catéchisme de l’Église Catholique

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