La Minute Culturelle : Le Baptême de Jésus

Dimanche 21 février 2021, 1er dimanche de carême… « En ce temps-là, Jésus venait d’être baptisé. » (Mc 1,12)

Equilibré, clair et lisible, LE BAPTEME DU CHRIST, est un triptyque qui frappe par l’harmonie de ses teintes rouge et or, les dégradés et les effets de lumière subtils sur les étoffes, les chairs et les eaux ; la vue, le toucher, l’odorat et le gout, l’ouïe même, tous nos sens sont convoqués pour nous introduire dans cette tapisserie. Appel à l’émerveillement, appel à réflexion, appel à l’intériorité…D’où vient l’allégresse qui jaillit de cette tapisserie ?

A la suite des 5 tapisseries consacrées à l’enfance de Jésus, nous découvrons ici Jésus adulte au tout début de sa vie publique : « Alors Jésus arrive de la Galilée au Jourdain, vers Jean, pour être baptisé par lui ». (Mt 3, 13)


SCENE CENTRALE : LE BAPTEME DE JÉSUS - Mt3, Mc1,1-9, Lc3,21-22

Les mains jointes, immobile dans une grande verticalité hiératique, Jésus prie. Les jambes dans l’eau du Jourdain (quelle transparence !), le haut de sa tête atteint l’horizon, auréolée de 3 rayons fleurdelisés, signe distinctif du Christ que nous observerons sur les tapisseries suivantes. Le visage barbu est la réplique de celui d’Adam… Se déroulant à l’horizontale, une banderole proclame en lettres gothiques blanches sur fond rouge : « Hic est filius meus dilectus » : « Celui -ci est mon fils bien aimé » (Mt 3,17). Jésus est le Nouvel Adam, Fils de l’homme et Fils de Dieu. 

A sa droite, Jean le Baptiste est tout en mouvements : à la fois il s’incline, tient Jésus à l’écart d’une main tandis que de l’autre il baptise. Son vêtement est fait de poils de chameau tandis que le linge qui ceint Jésus est blanc brodé de soie. L’image serait conforme aux textes des évangiles, s’il n’y avait derrière le baptisé un ange : dans ses bras les plis magnifiques d’une tunique sans couture ourlée de pierreries, celle que Jésus portera jusqu’à sa passion. Dieu le Père est présent dans un nimbe d’or de gloire, et la colombe de l’Esprit Saint relie le Père et le Fils, manifestation de la Sainte Trinité.

Pourquoi Jésus vient-il se faire baptiser par Jean ? Dans la liturgie du Mercredi des Cendres, St Paul rappelle dans la 2ème lettre aux Corinthiens : « Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu. » (2Co 5,21)


SCENE GAUCHE : MOÏSE ET LA LIBERATION D'ISRAËL - EX 14,15-31

 

Moïse, reconnaissable à ses cornes*, amplement et magnifiquement vêtu, avance en tête d’un cortège, à la main le bâton donné par Dieu. Dans une discussion animée, il se tourne vers Aaron au chaperon rouge ; rappelons-nous « tu lui parleras et tu mettras dans sa bouche les paroles que je te donnerai, et c’est lui qui parlera pour toi au peuple » avait dit Yahvé (Ex 4,15). En arrière-plan, on distingue des têtes d’hommes et de chevaux dépassant des flots : Pharaon et ses cavaliers se noient. Les Hébreux viennent de traverser la Mer Rouge à pied secs, tandis que l’eau s’engouffre à leur suite dans le passage que Dieu a ouvert devant eux. Remarquons ce détail charmant et réjouissant : transportés dans une hotte, deux petits enfants ont été sauvés des eaux.
Le phylactère (en haut à gauche) explique : « Moise, serviteur de Dieu, a franchi la Mer Rouge pour libérer le peuple d’Israël de l’esclavage du Pharaon (...) »





SCENE DROITE : NAAMAN GUÉRI DE LA LÈPRE - 2R 5,1-14

Assis les pieds dans l’eau, le général syrien Naaman a cédé à la demande d’Elisée, le prophète de Samarie, qui lui a ordonné : « Va te baigner sept fois dans le Jourdain, ta chair redeviendra nette. » En effet, le chef d’armée est malade de la lèpre qui recouvre son corps ; mais, râle -t-il « est-ce que les fleuves de Damas, l’Abana et le Parpar, ne valent pas mieux que toutes les eaux d’Israël ?» Superbement coiffés et habillés, munis d’une élégante aiguière, les serviteurs le lavent. Alors, purifié par le Jourdain, Naaman retrouve une peau « nette comme la chair d’un petit enfant ». Dans le décor d’une nature florissante et unifiée, nous voyons l’action régénérante et miraculeuse de l’eau.
Le phylactère (en haut à droite) explique : « Le général Naaman dont le corps était atteint par la lèpre, se baigna dans le Jourdain sur l’ordre d’Elisée et recouvra la santé du corps ; (...) ».


 Catéchèse

Contempler et lire les tapisseries de La Chaise-Dieu, c’est entrer dans le langage des préfigurations bibliques qui annoncent l’Evangile. C’est l’eau qui parle ici, eau qui conduit notre regard vers le Christ, figure centrale du triptyque. Or, en recevant le baptême de Jean, Jésus institue le sacrement ; l’œuvre d’art devient catéchèse.
Quelle catéchèse nous transmet-elle donc ?
 Reprenons le phylactère de gauche dans sa totalité et laissons-nous enseigner :
« Moise, serviteur de Dieu, a franchi la Mer Rouge pour libérer le peuple d’Israël de l’esclavage du Pharaon, de même, le Christ a voulu entrer dans les eaux du baptême pour délivrer des liens de la faute originelle ceux qui l’imiteraient. »

L’eau qui noie Pharaon dans la mort est aussi celle par laquelle se réalise l’exode, le passage, le retour vers la Terre promise. Captive en Egypte depuis des générations, la descendance d’Adam est marquée par le péché originel. Le Christ est ce Nouvel Adam qui allant au baptême de Jean, va à son père et reçoit de lui le nom de « Fils bien-aimé » : il répare la filiation brisée par le péché du premier Adam. La Paque des Hébreux conduite par Moise annonce le mystère pascal du Christ et la Rédemption.
Cette 1ère catéchèse est complétée par le 2ème phylactère :
« Le général Naaman dont le corps était atteint par la lèpre, se baigna dans le Jourdain sur l’ordre d’Elisée et recouvra la santé du corps ; ainsi, quiconque aura été atteint d’une quelconque lèpre de l’âme, reçoit dans le bain du baptême du Christ la santé de l’âme. »

Le texte biblique précise que « selon la parole d’Elisée, Naaman plongea sept fois dans le Jourdain ». La maladie du général était-elle donc si tenace ? Le nombre 7 nous rappelle les 7 péchés capitaux comme autant de facettes du mal dans le cœur de l’homme. Débarrassé de la maladie, Naaman pourra renaitre à une vie nouvelle. Jésus qui n’a pas besoin d’être purifié, prend sur lui le péché originel et les péchés personnels du premier homme et donne sa vie pour son salut ; il le restaure et le revêt d’une vie nouvelle. Le Christ entraine à sa suite toute la descendance d’Adam : « quiconque » ou « ceux qui l’imiteraient » .

Riche de ses préfigurations, le triptyque LE BAPTEME est une véritable catéchèse du baptême : par le sacrement du baptême, le baptisé est délivré du péché originel et de ses péchés personnels, sauvé de la mort ; par sa nouvelle naissance de l’eau et de l’Esprit, il devient Enfant de Dieu et entre dans l’espérance du Salut et de la Vie éternelle.

Les versets bibliques déployés par les prophètes, comme la beauté joyeuse et lumineuse du « drap imagé » appellent à la louange : la catéchèse du baptême, « fondement de toute vie chrétienne » (CEC 1213) nous est ici donnée, précieux cadeau que nous devons à l’abbé Jacques de Saint Nectaire représenté par ses armes*. Celui-ci avait bien compris (XVè) le sacrement ainsi formulé dans le Catéchisme de L’Eglise Catholique, article 1279 : « Le fruit du Baptême ou la grâce baptismale est une réalité riche qui comporte : la rémission du péché originel et de tous les péchés personnels ; la naissance à la vie nouvelle par laquelle l’homme devient fils adoptif du Père, membre du Christ et temple de l’Esprit Saint. »

« Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés » (Ez 36,25)
« Vous puiserez de l’eau avec allégresse aux sources du Sauveur » (Is12,3)

« En ce jour-là sera ouverte une source pour la maison de David en vue de la rémission des péchés » (Za13,1)
« Dans les assemblées, bénissez le Seigneur Dieu pour les sources d’Israël » (Ps68)


* les cornes de Moise sont dues à la confusion de traduction, par St Jérôme, auteur de la Vulgate (Bible en latin au IVème) des termes hébreux « tête encornée » et « visage rayonnant », attribués à Moise suite à sa rencontre avec Dieu sur le Sinaï.
*les armes de l’abbé Jacques de Saint-Nectaire :  azur à cinq fuseaux d’argent rangés en fasce, surmontés de la mitre.

🧐 Nous poursuivrons le Carême avec notre "bande dessinée" … quelques indices pour nous mettre en appétit :

À votre avis, quel sera le thème de la prochaine tapisserie ?!


Retrouvez les précédents articles ici :
- Introduction
- La Cène
- La Résurrection
- Pâques des Saintes Femmes
- L'apparition à St Thomas
- l'Ascension
- La Pentecôte
- Le Couronnement de Marie
- La Descente aux Enfers
- Le Jugement Dernier
- L'Annonciation
- Le Nativité
- L'Adoration des Rois
- La fuite en Egypte
- Le massacre des Saints Innocents

Bibliographie :
- Mialon - La Chaise-Dieu, son trésor, son message; Ed La Casadéenne, 1978
- Caillies P.Marie-Bernard, csj - La Chaise-Dieu, Tapisseries et Danse Macabre; Ed La Goelette, 1991
- Amis de l'Abbatiale Saint-Robert de La Chaise-Dieu - La dignité de la femmes dans les tapisseries de La Chaise-Dieu; Ed de Mons, 2019
- Bible de Jérusalem
- Magnificat
- Catéchisme de l’Église Catholique

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