L’épisode qui a donné son nom au « Dimanche des Rameaux » est raconté par les quatre évangélistes dans des textes intitulés « Entrée messianique de Jésus à Jérusalem ». C’est avec le récit de Saint Marc (21, 1-10) ou celui de Saint Jean (12 ,12-15) que la liturgie du dimanche 28 mars, ouvre la semaine de la Passion.
A quel évangile faut-il rapporter LES RAMEAUX de La Chaise-Dieu ? Peu importe … on s’attachera plutôt à comprendre l’intention des peintres cartonniers et du Père Abbé commanditaire de la tenture, en décryptant le triptyque et son iconographie.
Mais d’abord, observons les détails de ce tableau :
Jésus, monté sur un âne, arrive devant la porte fortifiée de Jérusalem. Comme
dans les scènes précédentes, il est auréolé de 3 fleurs de lys, porte la «
tunique sans couture, tissée d’une pièce à partir du haut » (J19,23) qu’il
portera durant toute la passion et apparait pieds nus. De sa main droite il
fait le geste de la bénédiction, de la main gauche tient les rênes. Derrière
Jésus on aperçoit les têtes de 4 disciples, dont Pierre (âgé, barbe bouclée)
et Jean (jeune, imberbe). Les genoux fléchis, un vieil homme habillé
élégamment étend un manteau bordé d’hermine sur le sol fleuri ; l’âne semble
surpris et le foule de ses sabots. Juché sur un arbre, un enfant agite une
branche alors que d’autres rameaux tombent autour.
De part et d’autre de la scène imagée, les versets choisis pour l’accompagner
acclament Jésus « roi d’Israël », «
roi de gloire » :
Rendez gloire au Seigneur votre Dieu. (Jr 13,16)
Que les filles de Sion exultent de joie pour leur Roi.
(Ps 149,2)
Offrez au Seigneur gloire et honneur, offrez au Seigneur la gloire de son
nom.
(Ps 28,1)
Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem : voici que ton roi va venir
vers toi, humble, monté sur un âne, le petit d’une ânesse.
(Za 9,9)
Les scènes de l’Ancien Testament choisies pour figurer de part et d’autre de la scène évangélique sont de prime abord, surprenantes. Quel rapport ont entre elles ces trois représentations ?
Une énorme tête chevelue et barbue, et ensanglantée attire le regard ; un jeune homme mince et fier en costume d’apparat et coiffé d’un surprenant chapeau présente cet étrange trophée ; de la main droite, il tient une fronde et une épée luisante : c’est le jeune israélite David, vainqueur de Goliath, le géant philistin.
Les yeux fixés sur lui, des jeunes filles et une fillette, ornées de coiffes et de parures jouent de différents instruments : harpe, luth et orgue.
Dans le phylactère (ici invisible) le texte explique :
À la rencontre de David, qui, victorieux du redoutable Goliath, en
apporte la tête, les femmes accourent joyeusement au son des instruments
et des chœurs.
Ainsi au-devant du Christ, qui, victorieux du démon, entre à Jérusalem,
les enfants d’Israël viennent et chantent leur joie.
Devant les portes de Jéricho, ville forte aux remparts crénelés (dans le prolongement de la porte de Jérusalem), des enfants accourent : ils se prosternent devant Elisée. Le prophète coiffé d’un chaperon tient sur son bras le manteau laissé par Elie emporté au ciel ; il s’adresse aux habitants venus à sa rencontre et les bénit.
Dans le phylactère (ici invisible) le texte explique :
Les fils des prophètes, accourant vers Elisée, l’accueillent avec la plus
grande vénération.
Ainsi les fils des Hébreux, arrivant auprès du Christ
Roi l’acclamèrent par leurs louanges à son entrée dans Jérusalem.
De toute évidence, c’est le caractère triomphal de l’entrée de Jésus à Jérusalem que ce triptyque donne à voir. Les Écritures avaient annoncé : « Ne crains pas, fille de Sion. Voici ton roi qui vient, assis sur le petit d’une ânesse ». Dans les évangiles, Jésus roi est fêté avec ces acclamations : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit le règne qui vient, celui de David, notre père ! Béni soit le roi d’Israël ! » Jésus est cet homme providentiel, ce roi chargé d’apporter paix et justice au Peuple d’Israël et annoncé par les prophètes depuis des générations. Un messie est attendu, Jésus est ce Messie. Cette tapisserie est bien celle de l’entrée messianique de Jésus à Jérusalem.
La dimension de Messie est clairement amenée par les figures de David et d’Elisée qui l’annoncent.
Rappelons que le jeune David, a été désigné par Dieu pour recevoir l’onction de la main de Samuel. Il est « l’oint », choisi et consacré par Dieu (1Sam16,1-13). Ses descendants, tous fils de Jessé recevront aussi l’onction à leur tour. Elisée est acclamé comme successeur du prophète Elie que Yahvé a emporté sur un char de feu dans un tourbillon : « l’esprit de Yahvé a enlevé Elie », « l’esprit d’Elie s’est reposé sur Elisée » disent les témoins de la scène. L’onction et la présence de Dieu dans la nuée avec la voix qui vient du ciel sont aussi présentes dans les récits du baptême et de la transfiguration de Jésus dans lesquels il est bien révélé comme Fils de Dieu.
Attendu au long de l’histoire d’Israël, accueilli comme le descendant de David, celui qui est « oint » et sur lequel repose l’Esprit de Dieu, le Messie est le Christ (de Chrestos, « oint » en grec). Encore une fois, c’est une catéchèse que, comme les moines du XVIème, nous recevons des « draps imagés » ou « tableaux tissés » de La Chaise-Dieu.
Nous sommes entrés dans la Semaine Sainte, semaine de la Passion qui précède la Résurrection. Vous trouverez dans le répertoire de La Minute Culturelle, la tapisserie LA CÈNE, remarquable par son iconographie lumineuse, équilibrée, vivante et émouvante, et son contenu théologique. Six triptyques illustrent et enseignent le Chemin de Croix. Mais ils ne seront pas publiés. Nous nous retrouverons pour méditer devant un panneau supplémentaire et indépendant, de grand format carré, consacré à LA CRUCIFIXION. Je me tiens à la disposition de ceux qui voudraient en savoir plus sur les panneaux que nous ne publierons pas sur le blog, ou sur tout autre point : isabellethiriez@yahoo.fr
Isabelle THIRIEZ
Retrouvez les précédents articles ici :
-
Introduction
-
La Cène
-
La Résurrection
-
Pâques des Saintes Femmes
-
L'apparition à St Thomas
-
l'Ascension
-
La Pentecôte
-
Le Couronnement de Marie
-
La Descente aux Enfers
-
Le Jugement Dernier
-
L'Annonciation
-
Le Nativité
-
L'Adoration des Rois
-
La fuite en Egypte
-
Le massacre des Saints Innocents
-
Le Baptême de Jésus
-
La Tentation du Christ
-
La Résurrection de Lazare
Bibliographie :
- Mialon - La Chaise-Dieu, son trésor, son message; Ed La Casadéenne, 1978
- Caillies P.Marie-Bernard, csj - La Chaise-Dieu, Tapisseries et Danse
Macabre; Ed La Goelette, 1991
- Amis de l'Abbatiale Saint-Robert de La Chaise-Dieu - La dignité de la femmes
dans les tapisseries de La Chaise-Dieu; Ed de Mons, 2019
- Bible de Jérusalem
- Magnificat
-
Catéchisme de l’Église Catholique
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