La Minute Culturelle : La Nativité

Le thème de la Nativité est l’un des plus représentés dans l’Histoire de l’Art. A La Chaise-Dieu, La Nativité occupe la place centrale du 1er des 12 panneaux qui constituent l’immense tenture représentant l’histoire du Salut, depuis L’Annonciation jusqu’au Jugement Dernier. LA NATIVITE est au centre de la tapisserie, encadrée par L’ANNONCIATION et L’ADORATION DES MAGES.

Le triptyque LA NATIVITE a lui-même pour motif central l’Enfant-Dieu adoré par Marie et Joseph ; de part et d’autre, nous allons découvrir deux épisodes de l’Ancien Testament qui préfigurent cette naissance miraculeuse et le mystère de la virginité de Marie dans sa maternité. A première vue, ils paraissent être sans rapport avec la naissance de Jésus : Le Buisson ardent à gauche, et Le Rameau d’Aaron à droite.

Comme nous l’avons déjà expliqué lors de précédentes publications, les « draps imagés » ou « tableaux tissés » ont été commandés par le Père Abbé de Saint Nectaire pour son abbatiale. Ils s’étendent sur 65 mètres de longueur et 2 mètres de hauteur, en panneaux réunissant l’Ancien et le Nouveau Testament. Suspendus dans le chœur en 1518, ils étaient pour les moines une profonde catéchèse. L’iconographie, la technique, les matières en font un chef d’œuvre des peintres cartonniers flamands et des lissiers de la région de Tournai, peut-être Arras. Tels nos bandes dessinées modernes, ils associent images et textes enchâssés dans un décor gothique aux colonnes, chapiteaux et fenêtres richement ouvragés et portant les armoiries de l’Abbé et de la Chaise-Dieu. Cette organisation visuelle et les correspondances entre Ancien et Nouveau Testament sont inspirées des bibles médiévales aussi appelées « Biblia Pauperum » parce qu’elles transmettaient le contenu des Ecritures et l’enseignement des Pères de l’Eglise sous une forme accessible à tous. Leur enseignement est d’une extraordinaire force théologique et pédagogique.

« Elle enfanta son fils premier né, l’enveloppa de langes et le coucha dans une mangeoire » : l’Évangile de Luc ne donne pas beaucoup de détails sur la naissance de Jésus. Les artistes du Moyen-Age ont apporté de très nombreuses interprétations à ces quelques mots, cherchant, plus qu’une représentation réaliste, à manifester la dimension spirituelle de La Nativité. Au début du Moyen Age, il est courant de voir une scène de maternité qui réunit la Vierge allongée ou couchée, le nouveau-né plus ou moins à l’écart, et Joseph perdu dans ses pensées : c’est la scène de La Bible des Pauvres.

Estampe de la Bible des Pauvres

A partir du XIVème siècle, Marie est davantage représentée à genoux en adoration devant l’Enfant Jésus, avec Joseph à ses côtés, comme nous le voyons sur la tapisserie.

PARTIE CENTRALE : LA NATIVITÉ

L’attention est d’emblée attirée sur l’enfant nu et lumineux posé sur la paille qui rayonne tel un soleil ; Les regards de Marie et Joseph descendent sur le Fils de Dieu, « Soleil Levant », « Astre d’en haut », « Lumière que se révèle aux nations ». Dans l’axe vertical, le bois de la charpente rappelle la mission du Fils de l’Homme.  Enveloppée dans son voile bleu, Marie prie les mains jointes, elle qui « est devenue en toute vérité Mère de Dieu par la conception humaine du Fils de Dieu dans son sein » (CEC 466) tandis que Joseph, coiffé d’un chaperon rouge, protège la flamme de la bougie dans la nuit. Le chaume percé du toit renvoie à la pauvreté de celui pour lequel il n’y avait pas de place à Bethléem ; l’âne qui mange au râtelier, et le bœuf, qui figureront traditionnellement dans les nativités, doivent leur présence à Isaïe prophète du Messie : « Le bœuf connait son propriétaire, et l’âne la crèche de son maitre » (Is 1, 3)
Dans son élégance et sa majesté aux rouges et ors soutenus, la scène invite au recueillement devant l’Enfant-Dieu, « vrai Dieu et vrai homme » (CEC 464).

Les deux scènes de l’Ancien Testament, sur la tapisserie du XVIe siècle comme sur l’estampe médiévale, préfigurent de façon complexe et profonde le miracle de la Naissance de Jésus. Il est judicieux de commencer par la scène de droite pour en comprendre le sens.


PARTIE DROITE : LA FLORAISON DU RAMEAU D'AARON - Nb 17,16-25

Quatre hommes vêtus de manteaux de brocard et de pelisse discutent avec animation, comme le montrent leurs mains expressives. Le vieux Moise est reconnaissable à ses cornes (1er plan à droite) et Aaron à son chaperon rouge. A l’arrière-plan, on voit un chandelier à douze branches sur lequel sont fichés douze rameaux qui représentent les tribus Israélites. L’un d’entre eux, celui d’Aaron a fleuri miraculeusement : c’est le signe que Dieu donne aux Israélites pour qu’ils reconnaissent à Aaron son rôle sacerdotal ; aussi, Moise lui remet l’encensoir, attribut du sacerdoce dans l’Ancienne Alliance. 

Le quatrain placé au-dessus de la scène explique cette floraison miraculeuse, préfiguration de la conception miraculeuse du Fils de Dieu dans le sein de Marie : « Sans avoir trempé au préalable dans la terre humide, le bâton d’Aaron bourgeonna sous l’action de Dieu. Ainsi, sans avoir reçu auparavant de semence d’homme, Marie enfanta l’Auteur de notre salut.»


PARTIE GAUCHE : MOÏSE ET LE BUISSON ARDENT - Ex 3,1-16

Moise, en habit de berger, entouré de ses brebis, se déchausse et cache son visage : sur la montagne, le buisson brûle sans se consumer et Dieu est présent au milieu des flammes. Le quatrain enfermé dans le cartouche, permet de comprendre en quoi cet épisode de l’Ancien Testament est une préfiguration de la naissance de Jésus : « Le Buisson ardent d’où le Seigneur parla à Moise produisit des flammes de feu sans aucune combustion. Ainsi, c’est sans aucune atteinte à sa virginité que Marie enfanta le Créateur de l’Univers. »

Les banderoles que désignent les prophètes apparaissant en médaillons complètent la compréhension des illustrations et délivrent encore d’autres enseignements offerts à la méditation :

« Seigneur, j’ai entendu ton appel et j’ai pris peur » Habaquq (3, 16)
« Un enfant nous est né, un fils nous a été donné » Isaïe (9,5)
« Une pierre angulaire, sans la toucher, s’est détachée de la montagne » Daniel (2, 34)
« Toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es pas du tout le plus petit des clans de Juda » Michée (5, 1)


 Catéchèse

Quelle catéchèse retenir de ce triptyque ?

La naissance de Jésus n’a rien d’anecdotique ; la représentation de Marie et Joseph silencieux, graves et absorbés dans la contemplation et l’adoration font plonger le spectateur, moine ou visiteur, dans le mystère de l’Incarnation de Dieu qui se fait petit-enfant pour le Salut du monde. Le Messie est « Lumière née de la Lumière, Vrai Dieu né du Vrai Dieu » (Credo). Les préfigurations enrichissent la catéchèse de leur beauté iconographique et de leur contenu théologique à la gloire de Marie, Vierge par la grâce de Dieu avant (CEC 496 à 498) et après (CEC 499 à 501) la naissance. La puissance divine, à l’œuvre dans les épisodes de l’Ancien Testament, éclate dans l’avènement du Fils de Dieu à Noël, comme elle éclatera au retour du Seigneur dans la gloire éternelle à la fin des temps.


Merci beaucoup à Isabelle Thiriez pour ce nouvel exposé ! La Minute Culturelle revient bientôt pour vous présenter la tapisserie de l'Epiphanie. D'ici là nous vous souhaitons un Joyeux Noël !

Retrouvez les précédents articles ici :
- Introduction
- La Cène
- La Résurrection
- Pâques des Saintes Femmes
- L'apparition à St Thomas
- l'Ascension
- La Pentecôte
- Le Couronnement de Marie
- La Descente aux Enfers
- Le Jugement Dernier
- L'Annonciation

Bibliographie :
- Mialon - La Chaise-Dieu, son trésor, son message; Ed La Casadéenne, 1978
- Caillies P.Marie-Bernard, csj - La Chaise-Dieu, Tapisseries et Danse Macabre; Ed La Goelette, 1991
- Amis de l'Abbatiale Saint-Robert de La Chaise-Dieu - La dignité de la femmes dans les tapisseries de La Chaise-Dieu; Ed de Mons, 2019
- Bible de Jérusalem
- Magnificat
- Catéchisme de l’Église Catholique

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