La Minute Culturelle : La Résurrection

Nous poursuivons notre découverte des tapisseries de la Chaise-Dieu avec celle consacrée  à la Résurrection.

 La composition de ce triptyque est exactement inspirée de la Bible des Pauvres :

Biblia Pauperum - Résurrection

Mais par rapport au dessin de la Bible des Pauvres, l’iconographie est extrêmement enrichie d’éléments, de détails, de couleurs. 

La Résurrection

Particulièrement remarquable, la continuité du décor : le fond aux mille fleurs de la partie gauche se prolonge dans le bas de la scène centrale, et le fond de paysage de la partie droite se poursuit dans le haut de la scène centrale.
Cette continuité unifie les trois scènes en une seule. Les deux colonnes très décoratives aident cependant à distinguer les trois épisodes bibliques représentés ici. Par ailleurs, il faut remarquer la grande luminosité de l’ensemble, rendue par les teintes claires, les coloris subtils, les effets moirés des soieries, les reflets de l’orfèvrerie et des armes et armures, le chatoiement des motifs végétaux. Cette réalisation en laine, soie, lin et fils métalliques particulièrement fine et soignée a été choisie pour exprimer le mystère qui est au cœur de la foi chrétienne. 

PARTIE GAUCHE : SAMSON et les PORTES DE GAZA - Jg 16(1-3)

Au premier plan, un personnage à la carrure de géant transporte d’énormes pans de porte retirés de leurs gonds. Au 2ème plan, on voit l’ouverture d’une forteresse médiévale avec machicoulis et meurtrières. Le fond de la tapisserie est sombre, c’est la nuit.
Cet homme redoutable est Samson, habité par la force de Yahvé qui a pour signe son abondante chevelure (et barbe) qui ne doit jamais être rasée : on voit bien ici sa tignasse brune retenue par un bandeau. Samson, a arraché les portes de la ville de Gaza dans laquelle il a été enfermé et, échappant en pleine nuit à la surveillance des habitants qui voulaient le tuer, il monte avec les portes sur la montagne. 
Remarquons la taille, les ferrures et la serrure de ces lourds battants de portes que Samson soulève avec facilité. Samson a le nez rouge : on peut mettre ce détail en relation avec le verset de psaume affiché au niveau de son pied droit : « Le Seigneur s’est éveillé comme un dormeur, comme un homme fort assoupi par le vin » Ps 78 (65). Les bottes en cuir souple de Samson sont particulièrement belles avec leur revers.

Le texte (au-dessus de l'image) : « Debout après minuit, Samson arracha les portes de Gaza et les emporta sur ses épaules sur la montagne.
Ainsi le Christ se levant de bon matin du tombeau, brisa les portes de l’enfer et conduisit les captifs sur la montagne de la Gloire. »

La catéchèse : Samson l’Israélite est né d’une femme stérile et sa naissance a été annoncée par l’Ange de Yahvé (comme Samuel, puis Jean-Baptiste). Yahvé a mis en lui sa force et son esprit et l’a choisi pour sauver Israël des philistins (comme David). La délivrance de Samson se fait en pleine nuit. L’histoire de Samson annonce la venue de Jésus Sauveur.


PARTIE DROITE : JONAS rejeté par le poisson - Jon2

Au 1er plan, un homme sortant de la gueule d’un énorme poisson. En arrière-plan, une étendue d’eau, un palmier et un château fort.
Cet homme est Jonas, nu, les mains jointes et la tête tournée vers le haut avec chevelure et barbe longues ; il est encore en prière lorsqu’il émerge de l’animal aquatique. Celui-ci est représenté avec des écailles, une grande fente pour bouche, et des dents pointues. Le texte précise « Yahvé commanda au poisson qui vomit Jonas sur le rivage ». Le palmier évoque la végétation méditerranéenne ou exotique alors que le château est une parfaite forteresse médiévale.

Le texte (au-dessus de l'image) : « Jonas était entré dans les entrailles du poisson pour en sortir vivant le 3ème jour. Ainsi, après avoir été mis au tombeau, le Christ est ressuscité immortel le troisième jour. »

Le verset (en bas) : « Et moi je me couche et m’endors, je m’éveille : Yahvé est mon soutien » Ps 3(6)

La catéchèse : L’ancien Testament raconte que Jonas, l’hébreux qui adore Yahvé, est jeté à la mer par les hommes d’un équipage ; Dieu permet alors qu’il soit avalé par un grand poisson : Jonas descend au sein du shéol, dans l’abîme. Puis après « trois jours et trois nuits » d’enfermement et de prière, il est rendu à la vie : « de Yahvé vient le salut ».
Par analogie le ventre du poisson est le tombeau, la mort, lieu des enfers où séjourne Jésus avant de remonter pour la résurrection. Le passage de la mort à la vie se fait en 3 jours pour l’un comme pour l’autre, faisant de Jonas une préfiguration de Jésus.


PARTIE CENTRALE : LA RÉSURRECTION DE JÉSUS - Mt27/28; Mc16; Lc24; Jn20


Au centre du panneau le Christ de la Résurrection se dresse dans une énergique verticalité et une sereine assurance ; il vient aussi à nous, dans un élan, sa jambe droite tendue en avant avec le pied qui sort du cadre. La luminosité de la scène rappelle que la résurrection s’est produite à l’aube du 3ème jour.
Jésus est vainqueur de la mort dont il porte les stigmates : marque des clous, blessure au côté. Sa tête est ornée des lys de la royauté, autour de ses reins le linge blanc est tissé d’or et de perles, dans son dos le manteau pourpre en damassé bordé de pierreries flotte, soulevé par un souffle vigoureux. C’est un Christ vivant mais hiératique qui rappelle les Christ en gloire des porches romans ou des mosaïques byzantines, avec le regard très fixe et le geste de la main droite qui bénit. Dans la main gauche, il tient la croix ou sceptre, muni d’une bannière qui vole, renforçant l’idée de mouvement.
Jésus sort de la mort, sa jambe gauche est encore dans le tombeau. Celui-ci est un sarcophage magnifique, en or serti de pierres ; son couvercle en travers ajoute une 2ème diagonale à celle qui traverse déjà le tableau, et dessine comme une croix désaxée.
Dans le jardin fleuri à la perspective lointaine, on voit trois gardes en impressionnants costumes militaires ; les éléments de leur armement sont savamment et précisément dessinés : cottes de mailles, manches à crevés, poulaines, gants articulés, chaines et casques à visière ; les armes (hallebardes, glaives, marteau) sont aussi nombreuses qu’inefficaces ; les soldats semblent écrasés par une pesanteur qui les met à genoux et les réduit à l’impuissance ; l’un est abattu par le sommeil, les 2 autres regardent leur prisonnier jaillir du cercueil et sont complétement dépassés par l’inconcevable qui se produit sous leurs yeux stupéfaits et contrariés.

Les versets (rubans) : « Après deux jours il nous fera revivre, le 3ème jour il nous relèvera » Os 6 (1-2)

La catéchèse : Cette représentation de la Résurrection ne correspond à aucun des récits évangéliques. En effet, les évangiles rapportent le témoignage des femmes : la présence et les paroles d’ange ou hommes en vêtements éblouissants (Matthieu, Marc et Luc), la pierre roulée, le tombeau vide (les 4) et la peur des gardes (Matthieu).
On ne sait pas comment Jésus est sorti du tombeau car il n’y a eu aucun témoin visuel de ce phénomène ni aucun récit élaboré non plus. La représentation de Jésus qui sort du sarcophage et l’enjambe est une pure imagination médiévale. Elle se situe donc avant la découverte par les femmes du tombeau vide au petit matin. Les artistes ont remplacé la pierre roulée par un cercueil, ont inventé trois gardes et un Christ tel qu’il est représenté ici.
Le décor de la tapisserie est très enrichi par rapport au modèle original de la Bible des Pauvres, avec des éléments de décor typiques du style mi-médiéval, mi-renaissance flamande du XVIème siècle.
Cette iconographie attire l’attention des moines et la nôtre sur l’essentiel du message de foi : Jésus Christ est ressuscité des morts, sauveur, rédempteur et éternellement vivant.

A la semaine prochaine pour une nouvelle "Minute Culturelle" consacrée à la tapisserie de la rencontre de Jésus ressuscité et de Marie-Madeleine.
Merci à Isabelle T. du temps consacré à ces exposés.
Retrouvez les précédents articles ici :
- Introduction
- La Cène

Crédits Photo : tapisserie de la Chaise-Dieu : inconnu / Bible des Pauvres : domaine public

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