La Minute Culturelle : La Pentecôte

Le récit de la Pentecôte se trouve dans les Actes des Apôtres dont Paul est l’auteur, chapitre 1 versets 12-14 et chapitre 2 versets 1-11. Mais les évangélistes rapportent aussi chacun à leur façon les dernières apparitions, gestes et paroles qui participent au sens de la Pentecôte : don de l’Esprit Saint, promesse de Jésus, envoi en mission … Dans leurs pages les temps de l’Ascension et de la Pentecôte sont ainsi mêlés. L’iconographie de « La Pentecôte » correspond bien au récit des Actes, mais rappelle aussi celle de « L’Ascension » que nous avons observée la semaine dernière. Nous allons donc retrouver de nombreuses similitudes d’une tapisserie à l’autre, et également des éléments tout à fait nouveaux.

 

La tapisserie est un art du textile réalisé à partir d’un carton qui guide le travail du lissier. C’est à partir de deux cartons très proches qu’ont été réalisées « L’Ascension » et « La Pentecôte ». En effet, nous retrouvons les apôtres réunis, mais ici autour de deux figures centrales : la Vierge Marie et la colombe de l’Esprit Saint, dans une harmonie de couleurs particulièrement riches et chaleureuses.

PARTIE CENTRALE : LA PENTECÔTE - Actes1(12-14); Actes2(1-11); Mt28(19-20); Mc16(14-19); Lc24(52-53); J20(19-23)



Le lieu : comme pour la tapisserie de L’Ascension, la scène se passe en extérieur. Nous voyons un parterre de fleurs sous les pieds des personnages, une ligne d’horizon partagée avec les deux scènes latérales de l’Ancien Testament, et le ciel azur animé de nuées blanches. Or certains textes font référence à des lieux fermés : « les portes étant closes… », « pendant qu’ils étaient à table », « ils étaient dans le Temple » (évangiles), et « ils montèrent à la chambre haute », « la maison où ils étaient assis… » (Actes).

Les apôtres sont au nombre de douze, reconnaissables, sur les deux tapisseries : mêmes génuflexions, mêmes portraits caractéristiques, mêmes expressions des mains et des regards. Dans les Actes, chacun est nommé, et on apprend le remplacement de Judas par Matthias. « Ils se trouvaient tous ensemble dans un même lieu » … Cependant, un treizième personnage a été ajouté à gauche, vêtu d’un chatoyant manteau vert, et lui aussi auréolé ; qui est-il ? de nombreux nouveaux convertis s’adjoindront aux douze et formeront la 1ère Communauté chrétienne, mais on n’en est pas encore là…

La Vierge Marie déjà présente sur la tapisserie de l’Ascension, est ici mise à l’honneur : elle est la « Reine des apôtres » toute centrée dans sa méditation du Livre de la Parole dont elle tourne les pages. Majestueusement vêtue de damas pourpre, une chape repose sur ses épaules ; on remarque la finesse des ornements, ceinture, collier, sa longue chevelure auréolée et son délicat visage au regard intérieur comme sur les icones d’Orient.

« Ils virent apparaitre des langues qu’on eut dites de feu » : les regards et mains agitées des apôtres, la verticalité silencieuse de Marie attirent notre attention vers la colombe qui surgit d’un disque d’or dont se détachent des lambeaux dorés ; l’Esprit Saint est rendu présent dans le rayonnement des langues de feu et le nimbe au trois lys qui rappelle la figure du Christ. (cf tapisseries précédentes). « Tout à coup, vint du ciel un bruit tel que celui d’un violent coup de vent » : l’effet sonore est remplacé par la force visuelle de l’image et « tous furent remplis de l’Esprit Saint ».

PARTIE GAUCHE : MOISE REÇOIT LES TABLES DE LA LOI - Ex 34

Dans cette image on distingue deux espaces. Dans le 1er espace, suivant une diagonale qui vient du fond gauche vers l’avant, des tentes (1). Il s’agit d’un village de tentes : c’est le camp des Israélites qui, venant d’Egypte, marchent vers la Terre Promise. Yahvé conduit son peuple. Mais c’est «un peuple à la nuque raide», fêtard, infidèle, idolâtre que représentent ici les 4 bavards sous leur tente et un 5ème larron qui semble les écouter en cachette ! La désobéissance, le calcul, la sournoiserie se lisent sur les visages de ceux qui ont fabriqué et adoré le veau d’or, dans le dos de Moise ! Celui-ci descendra-t-il de la montagne ? Seront-ils prêts à accueillir les Commandements qu’il en rapportera ?

Dans le 2ème espace, à l’arrière du campement, on voit Moise : il est au sommet de la montagne sainte, le mont Sinaï. Dieu le Père apparait dans hauteurs du ciel ; il est coiffé de la tiare à trois couronnes (2). «Yahvé descendit dans une nuée et il se tint là avec lui ». Moise reçoit les tables de pierre des mains de Yahvé « je vais conclure une alliance avec toi et avec Israël ». Après « quarante jours et quarante nuits », ces tables appelées aussi « tables du Témoignage » porteront les dix paroles de l’alliance.

Moise est reconnaissable à ses cornes. Au verset 30 on lit : « voici que la peau de son visage rayonnait et ils avaient peur de l’approcher ». On comprend que la lumière qui vient de Dieu est comme un feu dont les rayons ressemblent à des cornes (3).

Le texte du phylactère :
«Quand Moise recevait la Loi de Dieu sur la montagne, sa tête parut encornée de rayons lumineux ; ainsi les apôtres que le Christ envoie en mission, furent illuminés par des langues de feu.»

Les versets sur les rubans présentés par les prophètes :
« Je mettrai mon esprit au milieu de vous » Ezechiel 36(27)
« Sur mes serviteurs et mes servantes, je répandrai mon Esprit » Joêl 3(1)


PARTIE DROITE : ELIE ET LE FEU DE DIEU - 1 Rois 18(20-40)

De dos au 1er plan, un carme (4) reconnaissable à sa bure noire et manteau blanc aux très beaux drapés : on retrouve le prophète Elie, comme sur la tapisserie de L’Ascension. Il est agenouillé et implore le ciel.

Au 2ème plan, sur un autel étonnant, un animal enchainé, il s’agit non d’un bœuf mais d’un taureau offert en sacrifice. Au-dessus, on distingue une boule de nuages et de flammes tombant du ciel : « Le feu de Yahvé tomba et dévora l’holocauste et le bois, et il absorba l’eau qui était dans le canal ». Que s’est-il se passé ?

Deux personnages situés entre Elie et le sacrifice assistent à la scène que l’un d’eux montre du doigt. Yahvé va répondre à Elie qui l’appelle : « Yahvé, Dieu d’Abraham, d’Isaac et d’Israël, qu’on sache aujourd’hui que tu es Dieu en Israël, que je suis ton serviteur et que c’est par ton ordre que j’ai accompli toutes ces choses ; réponds moi Yahvé pour que ce peuple sache que c’est toi, Yahvé, qui es Dieu et qui convertis leur cœur ». Comme le peuple, les deux hommes en sont témoins : voilà que sur le mont Carmel, les sacrifices offerts à Baal invoqué par 450 prophètes, malgré tous leurs efforts, n’a pas pris. Seul l’offrande à Yahvé est agréée, de façon même spectaculaire parce le feu va prendre alors que l’autel a été inondé de jarres d’eau !

Le texte du phylactère :
« Sur l’holocauste d’Elie le feu du ciel tomba et fit revenir à la foi le cœur des témoins ; de même, c’est aussi le Saint Esprit envoyé sur les apôtres qui raffermit leur cœur et les envoie. »

Les versets :
« Envoie ton Esprit et ils seront créés » Ps104
« Achève, Seigneur, ce que tu as fait en nous » Ps68

La catéchèse :
Dieu a envoyé son feu aux hommes pour répondre à leurs appels, se manifester, les emplir de sa présence, faire alliance avec eux et en faire ses témoins ; ainsi, le Christ a promis à ses disciples de leur envoyer « une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre ».

 Notes :
 (1) La tente médiévale telle qu’on la trouve représentée dans les documents de l’époque :

 (2) La tiare était une coiffe d’apparat, et non un élément liturgique, portée par les papes à partir du VIème s ; Paul VI y renonça en 1964 en signe de dépouillement. Les 3 couronnes ont plusieurs significations symboliques ; on peut retenir celle-ci : pouvoir temporel (chef d’état), pouvoir spirituel (chef de l’Eglise), autorité sur les rois et princes de la Chrétienté. Elle figure toujours officiellement dans les armoiries du Saint Siège et sur le drapeau du Vatican.


 (3) Cet attribut est traditionnellement donné à Moïse dans l’iconographie et les textes. Il est inspiré du terme « coronatus » dans la Vulgate (traduction latine de la Bible hébraïque par St Jérôme, entre 390 et 405). Moise est dit « encorné » ou « cornu », en référence à karan (rayon) ou keren (corne) et signe de la puissance divine.
Moïse - José de Ribera


 (4)Yahvé a parlé aux prophètes Elie et Elisée sur le mont Carmel. Ainsi sont-ils reconnus comme les fondateurs de l’ordre des Carmes et des Carmélites. C’est pourquoi l’auteur du carton les a représentés avec l’habit de l’ordre. (Cf aussi L’Ascension)


La "Minute Culturelle"  revient en juillet avec le Couronnement de la Vierge Marie
Merci à Isabelle Thiriez du temps consacré à ces exposés.
Retrouvez les précédents articles ici :
- Introduction
- La Cène
- La Résurrection
- Pâques des Saintes Femmes
- L'apparition à St Thomas
- l'Ascension


Crédit Photo : (c)La Casadéenne

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